Author: Roudy Bernadin Economiste Roudy

  • L’économie d’Haïti recule de 4,2 % en 2024 dans un contexte de crise sécuritaire et de déclin prolongé

    L’économie d’Haïti est dans un état désastreux, connaissant sa sixième année de croissance négative en 2024. Le PIB du pays a diminué de 4,2 %, la baisse annuelle la plus importante depuis le tremblement de terre de 2010. Cette contraction économique prolongée, avec une contraction annuelle moyenne de 2,3 % entre 2019 et 2024, est le signe d’une crise croissante et persistante.

    La contraction économique prolongée a eu un impact profond sur la vie des Haïtiens. Six années de croissance négative ont érodé les moyens de subsistance, réduit l’accès aux services essentiels et aggravé les inégalités économiques. L’économie étant incapable de générer suffisamment d’emplois ou de maintenir des activités productives, les ménages dépendent de plus en plus des envois de fonds et de l’aide humanitaire pour survivre.

    La hausse du coût de la vie, exacerbée par l’inflation, a laissé de nombreuses familles incapables de se permettre des biens de première nécessité tels que la nourriture, le logement et les soins de santé. En outre, la forte inflation alimentaire a un impact disproportionné sur les familles à faible revenu, poussant davantage de ménages dans la pauvreté et exacerbant l’insécurité alimentaire et la malnutrition. Pour y faire face, beaucoup sont obligés de réduire leurs dépenses non essentielles, de réduire la qualité de leur alimentation ou même de sauter des repas, compromettant ainsi leur bien-être et leur santé en général.

    L’un des principaux facteurs du déclin économique d’Haïti est la crise sécuritaire actuelle. Les deux départements les plus peuplés d’Haïti, l’Ouest et l’Artibonite, sont aux prises avec une grave crise sécuritaire. Le département de l’Ouest, où se trouve la capitale Port-au-Prince, a été particulièrement touché. En tant que région économiquement la plus importante, Port-au-Prince est la plaque tournante du commerce national et international. Cependant, le contrôle généralisé des gangs sur les principales routes menant à la capitale a paralysé l’activité économique. Les producteurs alimentaires d’autres régions, notamment le département de l’Artibonite, connu comme le grenier d’Haïti, sont confrontés à d’importantes difficultés pour transporter leurs marchandises vers le marché, leur coupant ainsi l’accès à une source de revenus majeure. De même, les marchandises importées entrant dans le pays via Port-au-Prince sont sujettes à des retards, à des perturbations ou à des vols purs et simples, ce qui augmente les coûts et réduit l’offre pour les consommateurs à l’échelle nationale.

    La situation sécuritaire a non seulement entravé le commerce, mais a également dissuadé les investissements directs étrangers et l’entrepreneuriat local. Les entreprises ont du mal à fonctionner dans un environnement marqué par la violence, l’extorsion et l’imprévisibilité, ce qui compromet encore davantage la croissance économique.

    Les effets combinés de la croissance négative et de la crise sécuritaire se font sentir dans tous les secteurs. L’agriculture, pierre angulaire de l’économie haïtienne, a été particulièrement touchée car les agriculteurs ne peuvent pas transporter de manière fiable leurs marchandises vers les marchés. Les industries manufacturières et de services sont également contraintes, la production et les ventes étant entravées par des défis logistiques et de sécurité. Les recettes publiques ont chuté, limitant la capacité du gouvernement à investir dans les infrastructures critiques ou à fournir des services essentiels à la population.

    La trajectoire actuelle d’Haïti souligne le besoin urgent d’agir. Le rétablissement de la sécurité est crucial pour relancer l’activité économique et stabiliser le pays. Des investissements ciblés et des efforts coordonnés pour démanteler les réseaux de gangs et le trafic d’armes sont essentiels à la réouverture des routes commerciales et à la reprise économique.

    Aborder les problèmes systémiques tels que la pauvreté, le chômage et l’insécurité alimentaire en Haïti nécessite une approche globale et multiforme. Les investissements dans l’agriculture, les infrastructures et l’éducation sont essentiels pour reconstruire l’économie à partir de zéro et favoriser la résilience face aux chocs futurs. Pour qu’Haïti puisse se libérer de ce cycle de déclin économique, elle doit donner la priorité au rétablissement de la stabilité, à la lutte contre la corruption, au rétablissement de la confiance et à la création d’opportunités de croissance.

    La sixième année consécutive de croissance négative en Haïti n’est pas seulement une statistique : c’est un appel à l’action. Sans des efforts décisifs pour s’attaquer aux causes profondes de la crise économique, le cycle de pauvreté et d’instabilité ne fera que s’aggraver, laissant des millions d’Haïtiens dans des conditions de plus en plus désastreuses.

  • 4,5 milliards de dollars d’envois de fonds en 2024 : une bouée de sauvetage pour Haïti

    Les transferts de fonds internationaux sans contrepartie jouent un rôle essentiel dans l’économie haïtienne, constituant une bouée de sauvetage financière vitale pour des millions de ménages. En 2024, les envois de fonds devraient atteindre 4,5 milliards de dollars, ce qui représente 18,7 % du PIB d’Haïti, ce qui témoigne de leur importance dans le financement des services essentiels et dans la conduite de l’activité économique, avec environ 70 % des transferts dirigés vers le département de l’Ouest.

    À l’échelle mondiale, les flux de fonds vers les pays à revenu faible et intermédiaire (PRFI) devraient atteindre 685 milliards de dollars en 2024, soit une croissance de 5,8 % par rapport à 2023. Haïti a reflété cette tendance mondiale, en maintenant un taux de croissance constant des envois de fonds, même en période de ralentissement économique. La vigueur du marché du travail américain a été un moteur clé de cette croissance. Les migrants haïtiens aux États-Unis ont joué un rôle déterminant dans l’envoi de fonds chez eux, en soutenant les familles et en contribuant au PIB du pays.

    Les envois de fonds vers Haïti ont considérablement augmenté au fil des ans, passant de 578 millions de dollars en 2000 à environ 4,5 milliards de dollars en 2024. Cela représente une multiplication par près de huit, alimentée par la résilience des travailleurs migrants à l’étranger, en particulier aux États-Unis. Cette croissance régulière souligne la dépendance croissante à l’égard des envois de fonds comme pilier de la stabilité économique.

    À l’inverse, les sorties de fonds d’Haïti restent modestes, totalisant 677 millions de dollars en 2023 et ne représentant que 3,1 % du PIB. Cet écart met en évidence l’important afflux net de fonds soutenant l’économie du pays.

    Évolution des transferts reçus et expédiés (millions de dollars)

    En 2024, les envois de fonds devraient dépasser les autres flux financiers comme les IDE, reflétant leur résilience et leur importance en tant que source fiable de financement externe. Alors que les envois de fonds ont augmenté de 57 % au cours de la dernière décennie, les IDE ont diminué de 41 %, soulignant la nécessité pour Haïti de diversifier ses flux financiers.

    Les entrées nettes d’IDE n’auraient représenté que 0,12 % du PIB en 2023, selon la Banque mondiale. Il s’agit d’une forte baisse par rapport aux années précédentes, comme en 2017, où les IDE avaient atteint 2,48 % du PIB. La tendance constante à la baisse souligne les défis auxquels Haïti est confronté pour attirer et maintenir les investissements étrangers.

    Les envois de fonds constituent donc une bouée de sauvetage pour la réduction de la pauvreté et la stabilité des ménages en Haïti. Ils permettent aux familles d’accéder aux produits de première nécessité, aux soins de santé et à l’éducation tout en réduisant la pression financière sur les programmes gouvernementaux.

    En outre, ces fonds constituent également une source essentielle de devises étrangères, contribuant à stabiliser l’économie nationale dans un contexte de fluctuation de l’aide extérieure et de déficits commerciaux.

    Malgré leur rôle essentiel, Haïti est confronté à des défis pour maximiser son impact. Les coûts de transaction élevés et l’accès limité aux systèmes financiers formels réduisent les avantages potentiels. Pour résoudre ces problèmes, Haïti doit investir dans l’infrastructure financière, réduire les coûts des transferts de fonds et créer des politiques qui canalisent les fonds envoyés vers des secteurs productifs comme les petites entreprises, les infrastructures et l’énergie.

    Avec environ 4,5 milliards de dollars de transferts de fonds attendus en 2024, Haïti a la possibilité de mobiliser ces fonds pour un développement économique à long terme. Les politiques qui favorisent l’inclusion financière et les investissements durables peuvent transformer les envois de fonds d’un mécanisme de survie en un outil de croissance et de résilience.

  • Programme HOPE-HELP d’Haïti : une opportunité manquée dans le projet de loi de financement américain

    Malgré un accord bipartite initial pour financer les opérations du gouvernement fédéral, qui comprenait des dispositions visant à étendre l’initiative Haïti HOPE/HELP, le Congrès américain n’a finalement pas réussi à adopter la législation nécessaire. Le projet de loi de financement qui est parvenu sur le bureau du président Joe Biden excluait la Loi sur la relance économique du bassin des Caraïbes (CBERA), qui englobe les programmes de préférences commerciales cruciaux pour Haïti.

    La CBERA, y compris les lois sur l’opportunité hémisphérique en Haïti grâce à l’encouragement du partenariat (HOPE) et le programme de relance économique d’Haïti (HELP), joue un rôle essentiel en fournissant un accès en franchise de droits au marché américain pour les vêtements, les textiles et certains produits haïtiens. Ces programmes sont essentiels pour soutenir les industries du textile et de l’habillement d’Haïti, favoriser la croissance économique, créer des emplois et maintenir des préférences commerciales qui profitent à la fois aux travailleurs haïtiens et aux entreprises américaines.

    Les parties prenantes, dont l’American Apparel & Footwear Association (AAFA) et l’Association des Industries d’Haïti (ADIH), avaient salué l’accord bipartite, qui prévoyait une prolongation cruciale de cinq ans de ces programmes, qui devrait expirer en septembre 2025.

    Cependant, l’accord bipartisan s’est effondré lorsque le président élu Donald Trump et Elon Musk ont ​​perturbé les négociations en exigeant de fortes réductions des dépenses et une prolongation controversée du plafond de la dette jusqu’en janvier 2027. Ces demandes ont introduit d’importantes divisions, faisant dérailler l’accord et compliquant le processus législatif. La discorde qui en a résulté a contraint les législateurs à abandonner des éléments clés de l’accord, notamment la CBERA, dans leur lutte pour finaliser une mesure de financement temporaire et éviter une fermeture du gouvernement.

    L’Association des Industries d’Haïti (ADIH) a exprimé sa déception face à l’exclusion du programme HOPE-HELP, qui occupait initialement une place de choix dans la résolution continue (CR) plus large de 1 500 pages. L’ADIH a noté que l’inclusion du programme démontrait la reconnaissance par le Congrès de son importance stratégique pour Haïti. Cependant, en raison de l’opposition sur des questions sans rapport, le CR a été réduit à une version simplifiée de 300 pages axée uniquement sur les dépenses américaines essentielles, reportant ainsi l’extension du programme HOPE-HELP.

    Vendredi soir, la Chambre a adopté un programme de financement provisoire, qui a été rapidement approuvé par le Sénat et promulgué par le président Biden. Le projet de loi de financement à court terme comprend des allocations pour les secours en cas de catastrophe, l’aide agricole et les flexibilités de télésanté de Medicare, mais il exclut la CBERA, reflétant des différends politiques non résolus. L’omission de ces programmes de préférences commerciales essentiels souligne les défis persistants pour parvenir à un consensus, laissant les industries du textile et de l’habillement haïtiennes dans l’incertitude quant à leur avenir alors que les négociations budgétaires se poursuivent jusqu’en 2025.

    L’omission du programme HOPE-HELP du projet de loi de financement américain porte un autre coup dur à l’industrie textile haïtienne en difficulté, qui est déjà sous le choc du déclin de l’activité économique et des fermetures généralisées d’entreprises. Au cours de l’année écoulée, le secteur a connu une contraction spectaculaire, avec une chute de l’emploi de plus de 45 %, passant de 53 000 travailleurs en septembre 2023 à seulement 29 000 en mars 2024.

    L’absence du programme pourrait compromettre davantage la capacité de l’industrie à maintenir ses activités et à se rétablir. Ce revers pourrait non seulement aggraver les pertes d’emplois, mais aussi diminuer la capacité de l’économie à créer de nouvelles opportunités, laissant des dizaines de milliers de travailleurs et leurs familles dans une plus grande insécurité financière.

    Malgré ce revers, l’ADIH a cependant exprimé sa gratitude aux partisans du Congrès et s’est engagé à continuer la campagne pour l’adoption du programme, soulignant son importance pour la stabilité économique d’Haïti.

  • 700 000 migrants haïtiens risquent d’être expulsés sous l’administration Trump

    L’immigration étant une question centrale dans la course à la présidentielle de 2024, une administration Trump pourrait présenter des risques accrus pour les migrants haïtiens aux États-Unis. Le 7 novembre, des milliers de personnes ont manifesté à New York pour exprimer leurs inquiétudes face aux promesses de Trump d’imposer des expulsions massives et de restreindre les avantages liés à l’immigration, tels que le statut de protection temporaire (TPS) et le programme de libération conditionnelle humanitaire de Biden. Ces programmes ont joué un rôle crucial dans le maintien de l’unité de nombreuses familles aux États-Unis.

    Selon les données du DHS, un nombre ahurissant de plus de 700 000 migrants haïtiens aux États-Unis vivent avec un avenir incertain en raison de changements potentiels dans les politiques d’immigration. Ce nombre comprend 200 005 Haïtiens actuellement protégés sous le statut de protection temporaire, ainsi que 309 000 autres qui pourraient être admissibles au TPS si l’éligibilité demeure. 138 000 Haïtiens supplémentaires sont entrés aux États-Unis dans le cadre du programme de libération conditionnelle humanitaire de l’administration Biden, qui offre un refuge temporaire et une autorisation de travail.

    De plus, on estime que 70 000 Haïtiens sans papiers résident aux États-Unis, avec des populations importantes dans des États comme la Floride (38 000), New York (9 000), le Massachusetts (6 000) et le New Jersey (6 000). Le TPS et la libération conditionnelle humanitaire ont offert stabilité et opportunités à de nombreux migrants haïtiens, leur permettant de contribuer à des secteurs essentiels comme la santé et l’hôtellerie. Cependant, des politiques d’immigration plus strictes pourraient menacer ces protections, déstabilisant les familles et les communautés que les Haïtiens ont contribué à bâtir.

    Les immigrants haïtiens ont apporté une contribution vitale à l’économie américaine, en particulier dans les domaines de la santé, de la construction et de l’hôtellerie, et beaucoup ont servi en première ligne pendant la pandémie de COVID-19. Ils enrichissent la culture américaine à travers l’art, la musique et la cuisine, tout en faisant preuve d’une forte résilience et de taux d’emploi élevés, dépassant souvent les moyennes nationales. Les Haïtiens-Américains de deuxième génération excellent sur le plan académique et servent dans l’armée deux fois plus que le taux national, soulignant leur intégration et leur patriotisme. L’élargissement des voies d’accès à la citoyenneté renforcerait encore ces impacts positifs sur la société américaine.

    Malgré ces contributions, des politiques d’immigration strictes menacent leur avenir et laissent peu de voies à la légalisation. Si les politiques de Trump l’emportent, des protections telles que le TPS et la libération conditionnelle humanitaire pourraient être annulées. Cela souligne le besoin urgent de solutions d’immigration compatissantes et pratiques qui s’alignent sur les valeurs américaines d’égalité et d’opportunités.

  • Tendances de l’inflation en aout 2024 : l’inflation ralentit, mais reste élevée

    L’inflation en Haïti s’est atténuée en aout par rapport à juillet 2024, mais reste élevée, laissant les ménages haïtiens toujours aux prises avec une grave insécurité alimentaire. Selon l’Institut haïtien de statistique et d’informatique (IHSI), les prix à la consommation ont augmenté de 29,3 % sur un an, soit une légère baisse par rapport aux 30,0 % de juillet 2024, avec une variation de 0,9 % d’un mois à l’autre de l’IPC. Bien que cela indique une légère décélération de l’inflation mensuelle, il s’agit néanmoins d’une augmentation significative d’une année sur l’autre, mettant en évidence les pressions inflationnistes persistantes dans l’économie.

    Principaux contributeurs à l’inflation

    Plusieurs composantes de l’IPC ont influencé de manière significative les tendances de l’inflation, les principaux contributeurs étant la communication (42,1 %), l’alimentation et les boissons non alcoolisées (40,8 %) et les restaurants (29,7 %).

    Malgré les problèmes de sécurité, les sociétés de communications comme Digicel, le plus grand opérateur du pays, ont maintenu la plupart des réseaux cellulaires opérationnels, mais au prix de coûts logistiques importants, tels que la hausse des coûts du carburant couplée à la difficulté de naviguer dans les zones contrôlées par les gangs. Ces coûts sont répercutés sur les consommateurs qui en paient les conséquences.

    En termes d’inflation alimentaire, la production locale reste insuffisante pour répondre à la demande, et les routes principales contrôlées par les gangs rendent la distribution extrêmement difficile. Bien que l’Indice FAO des prix alimentaires montre une légère baisse d’un mois à l’autre à l’échelle internationale, les coûts de transport et l’accès routier restent des défis permanents au niveau local qui affectent les prix.

    Alors que les prix des denrées alimentaires ne cessent d’augmenter, les ménages haïtiens continuent de faire face à de sérieuses difficultés pour se nourrir dans un contexte d’aggravation de la crise alimentaire, tandis que la crise économique s’aggrave avec six années consécutives de croissance négative.

  • L’industrie cimentière d’Haïti et sa dépendance vis-à-vis du ciment dominicain

    L’industrie du ciment d’Haïti a longtemps été caractérisée par sa capacité de production limitée et sa forte dépendance aux importations, en particulier en provenance de la République dominicaine. Cette dynamique a créé une dépendance qui a des implications significatives pour le développement des infrastructures et la stabilité économique d’Haïti.

    Fait notable, Cemex, une entreprise mondiale de matériaux de construction, a annoncé sa décision de vendre ses opérations en République dominicaine pour environ 950 millions de dollars. Cette transaction inclut des entreprises d’exportation vers Haïti, qui constitue un marché crucial pour le ciment dominicain. La vente souligne la nature imbriquée des industries du ciment dans les deux pays et met en évidence la dépendance d’Haïti à l’égard des capacités de production de son voisin.

    La seule cimenterie d’Haïti, créée en 1952 sous le nom de Ciment d’Haïti SAM, avait initialement une capacité installée de 0,1 tonne par an. Une expansion en 1973 a porté cette capacité à 0,3 tonne par an. Cependant, les opérations de l’usine ont été interrompues en 1992 en raison de conditions économiques défavorables suite à un embargo commercial en 1991 qui a gravement affecté l’économie haïtienne.

    L’usine est restée inactive pendant cinq ans jusqu’à ce qu’elle soit relancée en 1997 en vertu de la loi de modernisation des entreprises publiques de 1996. Une nouvelle entité, la Cimenterie Nationale, a repris et modernisé l’usine, qui a rouvert ses portes en 2001 avec une capacité de 0,5 tonne par an. Malgré ces efforts, la production de ciment d’Haïti reste modeste par rapport aux normes régionales.

    La région des Caraïbes abrite de nombreuses usines de broyage et terminaux de ciment, la République dominicaine émergeant comme un acteur important. Les grandes cimenteries intégrées exploitées par des sociétés comme Cementos Cibao, Cemex Dominicaine et Domicem renforcent la position de la République dominicaine sur le marché régional. Notamment, Domicem exploitait même une installation de stockage de ciment à Port-au-Prince, en Haïti, soulignant ainsi son influence sur le marché haïtien.

    Le tremblement de terre de janvier 2010 en Haïti a accru les besoins du pays en ciment, augmentant encore davantage sa dépendance à l’égard des importations en provenance de la République dominicaine. Cependant, en 2015, Haïti a interdit l’importation de 23 produits dominicains, dont le ciment, par voie terrestre. Cette mesure visait à améliorer la collecte des taxes et le contrôle de la qualité, mais a perturbé le flux de ciment dominicain vers Haïti.

    L’interdiction a eu un impact significatif sur les exportateurs dominicains. Cementos Andino, par exemple, a signalé des coûts supplémentaires de 44 189 dollars par mois en raison du passage au transport maritime, qui impliquait des services de déchargement et de manutention dans les ports. Malgré ces défis, le ciment dominicain a continué à dominer le marché haïtien.

    En 2017, le gouvernement haïtien a engagé une société d’ingénierie belge pour élaborer les plans d’une nouvelle cimenterie à La Pierre, aux Gonaïves. L’usine proposée, d’un coût de 300 millions de dollars et d’une capacité de 2 millions de tonnes/an, devrait stimuler considérablement la production locale et créer environ 2 200 emplois. Une centrale électrique de 35 mégawatts était également prévue pour assurer un approvisionnement stable en électricité à la cimenterie et à la zone résidentielle environnante. Malgré ces projets ambitieux, le projet ne s’est pas encore concrétisé.

    En 2022, la République dominicaine a exporté pour 82,7 millions de dollars de ciment, se classant au 42e rang mondial des exportateurs de ciment. Haïti était la principale destination, recevant 55,1 millions de dollars de ciment. Il s’agit d’une augmentation notable par rapport à l’année précédente, Haïti devenant le marché à la croissance la plus rapide pour les exportations de ciment dominicain.

    À l’inverse, l’industrie cimentière d’Haïti a enregistré des résultats d’exportation modestes en 2022, le pays n’exportant que 26 400 dollars de ciment, principalement vers les Bahamas. Cela a positionné Haïti au 131e rang mondial des exportateurs de ciment, le ciment étant le 156e produit le plus exporté du pays.

    Toutefois, Haïti reste un important importateur de ciment, avec des importations d’une valeur de 95 millions de dollars en 2022, ce qui en fait le 33e importateur mondial de ciment. Le ciment se classe au 9e rang des produits les plus importés en Haïti, la majorité provenant de la République dominicaine (55,1 millions de dollars) et de Turquie (37,8 millions de dollars), aux côtés des importations du Panama, de la Colombie et des États-Unis.

    Malgré l’abondance de calcaire naturel, le manque de capacité de production et la médiocrité des infrastructures d’Haïti entravent la production nationale de ciment. Les futurs projets de cimenteries pourraient être retardés en raison de questions plus prioritaires, telles que l’amélioration de la sécurité nationale et l’établissement d’un gouvernement stable. Pendant ce temps, l’industrie haïtienne de la construction continue de dépendre fortement du ciment importé, en particulier de la République dominicaine, ce qui souligne la nécessité d’investissements stratégiques pour renforcer les capacités de production locales.

  • Déni stratégique : les réserves de pétrole d’Haïti et leur importance géopolitique

    Haïti, située sur l’île géologiquement active d’Hispaniola, est située à la convergence des plaques tectoniques nord-américaine, sud-américaine et caribéenne, ce qui la rend vulnérable à l’activité sismique et potentiellement abondante en pétrole et en gaz. Des documents historiques, tels que le Oil Trade Journal de 1919, indiquent la présence de pétrole de longue date en Haïti, avec des fuites naturelles observées par les habitants et environ 3 millions de barils découverts dans des formations offshore peu profondes. Malgré cette connaissance, les ressources pétrolières d’Haïti sont historiquement restées inexploitées pour des raisons géostratégiques.

    Il convient de noter que les « raisons géostratégiques » font référence aux considérations et décisions stratégiques influencées par des facteurs géographiques. Ces raisons sont souvent liées à l’emplacement, aux ressources naturelles et à l’importance géopolitique d’une région. Les pays et les organisations prennent en compte des raisons géostratégiques lorsqu’ils planifient des actions militaires, des politiques économiques, des relations diplomatiques et d’autres initiatives stratégiques pour obtenir un avantage ou protéger leurs intérêts dans une zone géographique spécifique.

    Le célèbre analyste géopolitique, auteur et professeur William Engdahl affirme que le sous-développement des ressources d’Haïti peut être attribué à des raisons stratégiques, suggérant que les États-Unis et leurs compagnies pétrolières préfèrent contrôler les approvisionnements mondiaux en pétrole pour un effet de levier géopolitique plutôt que pour des raisons purement économiques. Cette perspective s’étend à l’importance géopolitique du pétrole haïtien, en particulier à la lumière des relations entre les pays des Caraïbes et le Venezuela.

    Le contrôle des réserves mondiales de pétrole par les États-Unis a toujours été justifié par des motivations géopolitiques plutôt que par des intérêts purement économiques. Depuis la Seconde Guerre mondiale, le pétrole est un outil essentiel pour la projection de la puissance américaine, notamment en contrôlant les approvisionnements du Moyen-Orient. Ce contrôle a permis aux États-Unis d’influencer les économies et les dynamiques politiques mondiales, y compris pendant la guerre froide.

    Les réserves potentielles de pétrole d’Haïti n’ont pas été exploitées en partie parce que le monde est déjà abondant en pétrole, et que les compagnies pétrolières américaines, ainsi que le gouvernement, préfèrent maintenir ces réserves sous-exploitées. Cette stratégie, visant à refuser aux autres acteurs l’accès à ces ressources, se reflète également dans leur réaction aux découvertes de pétrole dans la région voisine de Cuba. La vérité cachée sur le potentiel des réserves pétrolières d’Haïti peut être qualifiée de « déni stratégique » selon l’analyse de M. Engdahl.

    Des découvertes récentes rapportées par l’Atlas mondial suggèrent qu’Haïti pourrait posséder d’importantes réserves de pétrole. On estime que la région des Grandes Antilles, qui englobe Porto Rico, Cuba, la République dominicaine et Haïti, abrite 159 milliards de pieds cubes de gaz naturel et 142 millions de barils de pétrole. Les réserves non découvertes dans la région pourraient potentiellement contenir jusqu’à 941 millions de barils de pétrole brut et 1200 milliards de pieds cubes de gaz naturel. Les zones riches en pétrole d’Haïti comprennent le Plateau Central, la Baie de Port-au-Prince, Thomonde et la Plaine du Cul-de-sac. Aujourd’hui, ces zones sont en proie à des gangs qui terrorisent la population et déplacent la plupart des habitants.

    Vingt sites de forage potentiels ont été identifiés, dont cinq jugés critiques. Les scientifiques estiment que la convergence des plaques tectoniques dans la région indique une riche présence d’hydrocarbures. Le tremblement de terre de 2010 a peut-être facilité l’infiltration de pétrole dans les lignes de faille, ce qui a incité diverses entreprises à mener des études plus approfondies dans ces zones. Le scientifique haïtien, le Dr Daniel Mathurin, décédé en 2013 des suites de ses blessures à la suite d’un accident de la route survenu en République dominicaine, a comparé la richesse pétrolière potentielle d’Haïti à une piscine et au verre d’eau du Venezuela.

    La découverte et l’exploitation de nouvelles réserves pétrolières, comme celles d’Haïti, peuvent avoir un impact significatif sur les marchés pétroliers et les principaux producteurs de diverses manières, notamment économiques et géopolitiques. Cela pourrait entraîner une augmentation de l’offre, ce qui pourrait faire baisser les prix et affecter les revenus et la dynamique du marché des principaux producteurs. Des prix plus bas peuvent empêcher les producteurs aux coûts plus élevés de rester rentables. Les nouveaux entrants disposant d’importantes réserves peuvent également modifier le paysage concurrentiel. Les producteurs établis pourraient être confrontés à une concurrence plus rude, surtout si les nouvelles réserves de pétrole sont moins chères à extraire.

    L’exploitation des réserves pétrolières d’Haïti peut entraîner des avantages économiques importants, notamment une augmentation des revenus, une amélioration des balances commerciales et une croissance économique. Cependant, Haïti pourrait également être confronté à des défis tels que la « malédiction des ressources » s’ils ne sont pas gérés correctement. Les pays disposant de grandes réserves de pétrole acquièrent souvent une influence géopolitique. De nouvelles découvertes peuvent modifier la dynamique du pouvoir géopolitique, réduisant potentiellement l’influence des puissances pétrolières traditionnelles comme les États-Unis, l’Arabie saoudite et la Russie.

    Toutefois, la gestion des ressources pétrolières d’Haïti dépendra des dirigeants politiques et économiques du pays, dont beaucoup sont considérés comme apatrides en raison de leur comportement destructeur envers le pays. Depuis l’assassinat de Dessalines en 1806, Haïti est sous le contrôle de l’élite économique, qui manipule le gouvernement pour servir ses intérêts. En conséquence, l’exploitation des réserves potentielles de pétrole et de gaz d’Haïti n’entraînerait aucun bénéfice économique ni aucune amélioration dans la vie des Haïtiens ordinaires.

    Historiquement, avec le soutien des États-Unis, un petit groupe de familles domine l’économie haïtienne comme s’il s’agissait de leur plantation personnelle. L’élite économique exerce un contrôle sur toutes les facettes du gouvernement et de ses institutions. Cette domination les place dans une position de pouvoir important, leur permettant de façonner les politiques économiques, les réglementations, les décisions législatives et les contrats gouvernementaux du pays. De plus, ils exercent une influence sur les médias et la société civile, utilisant ces plateformes pour promouvoir leurs propres intérêts.

    De plus, Engdahl exprime son inquiétude quant à la présence militaire américaine en Haïti après le tremblement de terre, faisant allusion à des motivations stratégiques allant au-delà de l’aide humanitaire, étant donné les modèles historiques d’intérêt américain pour les régions riches en pétrole.

    Un important projet de cartographie géologique, initié en 2005 et dirigé par l’Université du Texas et financé par de grandes compagnies pétrolières, visait à explorer les ressources d’Haïti. Cet intérêt croissant pour la richesse géologique d’Haïti coïncide avec les manœuvres géopolitiques stratégiques des États-Unis, de la France et du Canada, soulevant des inquiétudes quant à une éventuelle exploitation étrangère sous couvert d’assistance.

    Aujourd’hui, Le chaos qui règne a encore aggravé la situation. Les dirigeants actuels d’Haïti ont été installés avec le soutien des États-Unis à travers la CARICOM. Pour accéder au pouvoir, ces hommes politiques ont dû consentir à une intervention étrangère permise par les États-Unis, avec une présence militaire majoritairement kenyane sur le terrain, avec pour objectif affiché d’arrêter les gangs en Haïti. Selon l’ONU, la plupart des armes à feu utilisées par ces gangs proviennent clandestinement des États-Unis, ce qui suscite des inquiétudes quant à la souveraineté compromise d’Haïti. On craint que les élites politiques et économiques haïtiennes soient redevables aux intérêts étrangers, ce qui conduit à un scepticisme quant à la capacité du gouvernement à agir dans le meilleur intérêt du citoyen haïtien moyen.

    La possibilité d’exploiter d’autres ressources naturelles, comme l’or en Haïti, suscite également des inquiétudes dans un contexte de hausse des prix due à une forte demande, alimentée par des tensions géopolitiques accrues. Parmi les autres facteurs contribuant à la demande de métaux précieux figurent la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine dans un contexte d’inflation et d’affaiblissement du dollar américain, une récession mondiale, une baisse de la demande de cryptomonnaie et la poursuite des achats d’or par les banques centrales. Les gisements d’or d’Haïti, d’une valeur potentielle de plus de 20 milliards de dollars, notamment dans les montagnes du nord d’Haïti, ont attiré diverses sociétés étrangères. Même si aucune entreprise ne s’est encore engagée dans l’exploitation minière, des pressions ont été exercées pendant des années pour obtenir des allégements fiscaux.

    Historiquement, la richesse d’Haïti a été exploitée par des puissances étrangères. Même si de nouvelles activités d’exploration pourraient stimuler l’économie haïtienne, en créant potentiellement des emplois et des recettes fiscales, on craint que le gouvernement ne négocie pas efficacement. D’où le risque de bénéfices minimes pour le pays alors qu’aujourd’hui la souveraineté du pays est compromise. Une nouvelle convention aurait été envisagée pour permettre une exploration approfondie, mais ne limite pas les pertes de revenus, ce qui pourrait réduire les avantages fiscaux d’Haïti. L’ancien ministre des Mines, Dieuseul Anglade, s’est opposé à ces conditions et a été démis de ses fonctions.

    Néanmoins, la position faible du gouvernement a fait craindre une surveillance inadéquate et des dommages environnementaux. Les lois minières obsolètes d’Haïti compliquent les progrès, et l’on craint que la modernisation ne favorise les entreprises au détriment des intérêts nationaux. Les habitants exigent de meilleures conditions d’emploi et de meilleurs avantages sociaux, craignant que les bénéfices profitent principalement aux entités étrangères.

    La richesse potentielle d’Haïti a toujours été sous-utilisée, en partie à cause de l’instabilité politique et de l’intervention étrangère, y compris des coups d’État controversés, des assassinats et la déstabilisation des gouvernements qui envisageaient de développer les ressources d’Haïti au profit de sa population. La présence militaire américaine et le contrôle des infrastructures haïtiennes après le séisme ont alimenté les spéculations sur un programme multinational visant à accéder aux richesses minières et d’hydrocarbures d’Haïti au détriment des Haïtiens.

    Compte tenu des modèles historiques d’intervention étrangère en Haïti, des implications de l’exploitation des ressources naturelles pour l’avenir du pays et du manque actuel de leadership représentatif, il est crucial d’examiner consciencieusement les conditions dans lesquelles les ressources haïtiennes devraient être exploitées. Cela ne devrait être fait que lorsque le peuple haïtien aura confiance dans sa représentation et lorsque des réglementations et des lois seront en place pour protéger efficacement ses intérêts et ceux de la nation.

  • L’escalade des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine suscite des inquiétudes économiques mondiales

    Les États-Unis imposent de nouveaux tarifs douaniers à la Chine, intensifiant les tensions commerciales et suscitant des inquiétudes économiques mondiales.

    Le 14 mai 2024, le président Biden a ordonné au représentant américain au Commerce d’imposer de nouveaux droits de douane sur 18 milliards de dollars d’importations en provenance de Chine, ciblant des secteurs clés tels que les véhicules électriques et les semi-conducteurs. Ces tarifs font partie d’une stratégie plus large visant à contrecarrer ce que l’administration décrit comme les pratiques commerciales déloyales de la Chine. Cependant, cette décision a suscité des inquiétudes quant au potentiel de mesures de rétorsion de la part de la Chine et aux implications plus larges pour la stabilité économique mondiale. Cette escalade des tensions commerciales entre les deux plus grandes économies du monde pourrait avoir des effets considérables sur les marchés financiers et la dynamique du commerce international.

    Les tarifs douaniers, qui sont des taxes sur les importations, sont généralement utilisés pour protéger les industries nationales ou augmenter les recettes publiques. Cependant, ils peuvent provoquer des représailles indésirables. En 2018, les États-Unis ont imposé des droits de douane sur les importations d’acier et d’aluminium en provenance de leurs principaux partenaires commerciaux, dont la Chine. En réponse, la Chine a imposé des droits de douane en représailles sur de nombreuses exportations américaines, notamment sur les produits agricoles et alimentaires. Les chercheurs du Service de recherche économique de l’USDA (ERS) ont découvert que les droits de douane imposés par la Chine ont entraîné une réduction de 76 % de la valeur des exportations agricoles américaines, s’élevant à près de 26 milliards de dollars entre mi-2018 et fin 2019.

    Alors que l’inflation reste obstinément élevée aux États-Unis, on craint que les consommateurs ne supportent le coût des nouveaux tarifs imposés par Biden. Le Wall Street Journal rapporte que les droits de douane imposés par Trump et maintenus par Biden sur les importations en provenance de Chine ont été largement répercutés sur les acheteurs américains plutôt que de forcer les vendeurs chinois à baisser leurs prix. Néanmoins, l’augmentation des prix pourrait également correspondre à l’effet escompté des tarifs douaniers de Biden, comme ceux sur les batteries des véhicules électriques, encourageant les acheteurs à rechercher d’autres fournisseurs.

    La Chambre de commerce chinoise auprès de l’UE a annoncé mardi que Pékin envisageait des mesures de rétorsion tarifaires en réponse aux récentes mesures commerciales prises par l’UE et les États-Unis. Cette mesure potentielle pourrait avoir un impact sur les constructeurs automobiles européens et américains. De plus, la Chine a intensifié le conflit économique en cours avec l’Occident en lançant une nouvelle enquête antidumping sur les plastiques fabriqués aux États-Unis et dans l’Union européenne. Cette décision est considérée comme une possible mesure de représailles contre les récentes mesures protectionnistes prises par les pays occidentaux.

    La plus grande préoccupation réside dans la stabilité future des marchés financiers et dans les implications économiques plus larges. Coïncidant avec l’annonce par les États-Unis de nouveaux tarifs douaniers, la Chine a vendu pour des milliards de bons du Trésor américain. Beaucoup craignent que la Chine, deuxième détenteur étranger de dette américaine, puisse utiliser ses avoirs en dette américaine comme levier économique contre les États-Unis. Le délestage des bons du Trésor américain par l’étranger peut avoir un impact significatif sur les marchés financiers et l’économie mondiale.

    Bloomberg rapporte que la Chine a cédé 53,3 milliards de dollars de bons du Trésor américain et d’obligations d’agences au cours du premier trimestre.Certains analystes suggèrent que la Chine pourrait utiliser stratégiquement ses avoirs du Trésor contre les États-Unis, qui doivent actuellement plus de 34 000 milliards de dollars de dette.

    Il convient de noter que la dette nationale fait référence au montant total qu’un gouvernement doit à ses prêteurs, qui comprennent d’autres gouvernements, des entreprises et des particuliers détenant des bons du Trésor. Selon USAFacts, en janvier 2023, environ un quart de la dette totale des États-Unis, soit 7 400 milliards de dollars, était détenu par des entités étrangères. Les banques centrales et autres entités gouvernementales détiennent 50 à 75 % de cette dette étrangère, le Japon et la Chine étant les plus grands détenteurs étrangers au cours des deux dernières décennies.

    Depuis les accords de Bretton Woods, le dollar américain est la principale monnaie de réserve mondiale. Les données de Statista mettent en évidence la domination du dollar dans les transactions internationales. Alors que l’économie américaine représente plus de 26 % du PIB mondial, près de 90 % de toutes les transactions de change impliquent le dollar américain. De plus, 59 % de toutes les réserves officielles de change sont libellées en monnaie américaine.

    Au cours des dernières décennies, les pays se sont plaints de la puissance du dollar américain et de son poids sur les économies locales. Même si le billet vert a conservé son statut de monnaie de réserve mondiale, il a été remis en question en raison de la capacité des États-Unis à utiliser le dollar pour contraindre d’autres pays et porter atteinte à leur souveraineté sous la menace de sanctions. En conséquence, de plus en plus de pays, en particulier les pays des BRICS, font pression en faveur d’un changement visant à réduire l’influence américaine sur leur économie par le biais de la dédollarisation.

    De nombreux pays dans le monde sont soumis à une forme ou une autre de sanctions américaines. Cependant, la dernière série de sanctions contre la Russie a accéléré la tendance à la dédollarisation. De nombreux pays, notamment dans les pays du Sud, souhaitent diversifier leurs réserves en augmentant leurs réserves d’or et en utilisant les monnaies locales pour les paiements internationaux. L’annonce de Biden sur les tarifs douaniers pourrait fournir une autre raison aux pays de diluer l’influence économique américaine, soutenue par la domination du dollar et la capacité du gouvernement américain à émettre de la dette pour maintenir son économie en marche.

    Au cours des dernières années, la Chine a progressivement réduit sa participation sur le marché du Trésor américain. Le déclin se poursuit. En janvier 2024, la Chine a réduit ses avoirs en bons du Trésor américain de 18,6 milliards de dollars. La vente de la dette américaine marque un ajustement structurel des réserves de change de la Chine. Cependant, il est peu probable que la Chine se débarrasse entièrement de la dette du Trésor américain, dans la mesure où la fonction du dollar américain en tant que monnaie de réserve mondiale reste inchangée, selon Dong Shaopeng, chercheur principal à l’Institut d’études financières de Chongyang à l’Université Renmin de Chine.

    Les bons du Trésor américain ont longtemps été considérés comme une valeur refuge par les investisseurs et les banques centrales, surtout en période d’incertitude. Cependant, à mesure que les pays cherchent à réduire leur dépendance à l’égard du dollar, l’attrait des bons du Trésor américain pourrait diminuer. Compte tenu du rôle influent des États-Unis dans l’économie mondiale, tout événement économique important aux États-Unis, comme la crise des prêts hypothécaires à risque de 2008, peut avoir des répercussions à l’échelle mondial. Cette crise américaine a déclenché un effondrement financier mondial, entraînant un ralentissement économique généralisé, des faillites bancaires et de graves récessions dans de nombreux pays du monde.

    Aujourd’hui, l’inquiétude grandit face à la dette croissante du gouvernement américain, qui dépasse les 34 000 milliards de dollars, ce qui se traduit par un ratio dette/PIB supérieur à 120 %. Un ratio dette/PIB plus élevé indique généralement une plus grande difficulté à rembourser la dette, ce qui peut rendre les bons du Trésor américains comme instrument financier moins attractifs à un moment où de nombreux pays cherchent à dédollariser leur économie. Les tensions économiques avec la Chine pourraient exacerber le problème et accroître le risque de déstabilisation des marchés financiers mondiaux et de l’économie mondiale.

    À mesure que les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine s’intensifient, le risque de perturbations importantes de l’économie mondiale devient de plus en plus évident. Les nouveaux tarifs douaniers imposés par les États-Unis et les réponses ultérieures de la Chine mettent en évidence la nature fragile des relations économiques internationales. Alors que la Chine se débarrasse des bons du Trésor américain et que les deux pays prennent des mesures de représailles, la stabilité des marchés financiers et la croissance économique mondiale sont menacées. La situation souligne l’importance d’une diplomatie économique prudente et d’une gestion stratégique pour atténuer les effets négatifs sur la croissance mondiale, qui, selon le FMI, devrait déjà être à son plus bas niveau depuis des décennies dans les années à venir.

    Points saillants des hausses tarifaires :

    1. Acier et aluminium : les droits de douane augmenteront jusqu’à 25 % en 2024 pour protéger les industries américaines de la surcapacité non marchande de la Chine.

    2. Semi-conducteurs : les droits de douane augmenteront jusqu’à 50 % d’ici 2025 pour contrer la domination du marché chinois et soutenir la fabrication américaine de semi-conducteurs.

    3. Véhicules électriques (VE) : les tarifs augmenteront à 100 % en 2024 pour protéger les constructeurs américains.

    4. Batteries et minéraux critiques : diverses augmentations tarifaires sont prévues pour soutenir la production nationale et réduire la dépendance à l’égard de la Chine.

    5. Cellules solaires : les tarifs augmenteront à 50 % en 2024 pour protéger la fabrication solaire aux États-Unis.

    6. Grues de quai : un droit de douane de 25 % en 2024 soutiendra la sécurité de la fabrication et de la chaîne d’approvisionnement aux États-Unis.

    7. Produits médicaux : Des augmentations tarifaires significatives sur les seringues, les aiguilles, les équipements de protection individuelle (EPI) et les gants renforceront la production nationale.

  • L’économie haïtienne continue de connaître des difficultés au cours de l’exercice 2023-2024

    La Banque de la République d’Haïti (BRH) a récemment publié sa « Note Sur La Politique Monétaire » trimestrielle, détaillant l’état de l’économie haïtienne pour le premier semestre de l’exercice 2023-2024. L’économie haïtienne reste fortement influencée par les troubles sociopolitiques en cours, qui ont gravement perturbé le système productif dans presque tous les secteurs. Malgré quelques évolutions positives en décembre, attribuées principalement aux festivités de fin d’année, le premier semestre a été marqué par une performance mitigée des activités économiques.

    L’Indicateur d’activité économique à court terme (ICAE), publié par l’Institut haïtien de statistique et d’informatique (IHSI), indique une nette contraction de l’économie au cours du premier trimestre de l’exercice budgétaire 2023-2024. L’indice global a chuté de 3,8 %, reflétant la sous-performance des principaux secteurs de l’économie. La détérioration des conditions de sécurité au deuxième trimestre suggère que les activités économiques resteront probablement atones.

    Le secteur agricole a été particulièrement touché par des conditions climatiques défavorables, entraînant des niveaux de production alimentaire inférieurs à la moyenne quinquennale. Cela a entraîné un déficit d’approvisionnement alimentaire, exacerbé par les difficultés économiques rencontrées par les agriculteurs. Les coûts élevés des intrants agricoles ont réduit les zones cultivables, mettant encore plus à rude épreuve la production alimentaire.

    Par ailleurs, les dysfonctionnements des principaux ports et aéroports entre février et mars 2024 ont perturbé l’approvisionnement des marchés, faisant grimper les prix des produits de base. Cette situation a aggravé l’insécurité alimentaire, la Coordination Nationale de la Sécurité Alimentaire (CNSA) signalant que 17 % de la population est en phase 4 (Urgence) de l’IPC et 33 % en phase 3 (Crise). Dans l’ensemble, la moitié de la population est confrontée à une insécurité alimentaire aiguë pendant la période de projection, contre 44 % dans les prévisions précédentes.

    Selon la BRH, le marché du travail est en difficulté en raison d’une activité économique atone et de mouvements migratoires importants. Le déclin du climat des affaires et de la production a entraîné une augmentation des pertes d’emplois et réduit la capacité de l’économie à créer de nouveaux emplois. L’industrie textile a notamment connu une réduction de plus de 45 % de ses effectifs entre septembre 2023 et mars 2024, ramenant le nombre d’employés à 29 000. Le secteur bancaire a également été touché, perdant plus de 10 % de ses employés au cours de l’exercice 2023 et étant confronté à des difficultés pour recruter du personnel qualifié.

    En ce qui concerne l’évolution des prix, une décélération observée depuis mars 2023 a pris fin en février 2024, avec une hausse de 3,1 %, suivie d’une hausse de 4,7 % en mars. Sur un an, l’indice des prix à la consommation (IPC) a augmenté de 26,7 % en mars 2024, soit une augmentation de 3,7 points de pourcentage. Le taux d’inflation mensuel moyen entre octobre 2023 et mars 2024 était de 2,7 %, contre 2,1 % pour la même période en 2022-2023. Cette hausse de l’inflation, malgré un taux de change stable, peut être attribuée aux difficultés d’importation suite à la suspension des vols, à la paralysie des activités maritimes et aux goulets d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement des marchés.

    L’économie haïtienne continue d’être confrontée à des défis importants en raison de l’instabilité sociopolitique, des conditions météorologiques défavorables et des perturbations des opérations logistiques. Ces facteurs ont entraîné une contraction des activités économiques, une insécurité alimentaire accrue, des pertes d’emplois et une hausse de l’inflation. Les perspectives dans un avenir proche restent incertaines, les problèmes de sécurité persistants étant susceptibles de prolonger la stagnation économique et d’exacerber les luttes de la population haïtienne.

  • Indice de perception de la corruption 2023 : Haïti classée 172e sur 180 pays et territoires

    Dans son rapport annuel de l’indice de perception de la corruption (IPC) 2023, Transparency International classe Haïti au 172e rang mondial sur 180 pays et territoires. Selon la Transparency International, Haïti ainsi que trois autres pays se classent ex aequo en 172e position, avec un score de 17 sur 100.

    L’IPC est utilisé pour évaluer les pays sur le degré de corruption de leurs gouvernements. Le score d’un pays peut aller de zéro à 100, zéro indiquant des niveaux élevés de corruption et 100 indiquant des niveaux faibles. Tout score en dessous de 50 indique que les gouvernements ne parviennent pas à s’attaquer à la corruption.

    Alors que des progrès ont été réalisés à l’échelle mondiale pour criminaliser la corruption et créer des institutions spécialisées pour la combattre, Haïti se distingue, car peu de ces mesures n’ont été mises en œuvre, ce qui a entraîné une détérioration rapide de la justice et de l’État de droit dans le pays. Ainsi, le pays s’est régulièrement classé parmi les pays les plus corrompus au monde.

    Le classement le plus élevé d’Haïti au cours des deux dernières décennies était de 154 en 2010, et il n’y a eu aucune amélioration depuis lors. En fait, la situation s’est aggravée avec l’afflux de nouveaux fonds provenant d’initiatives telles que Petrocaribe et les injections de secours suite au tremblement de terre. La situation s’est détériorée davantage depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse. Par exemple, Haïti perd une place par rapport à l’année précédente et huit places par rapport à 2021.

    Dans la région des Amériques, le Canada, l’Uruguay et la Barbade sont les plus performants. Ils marquent respectivement 76, 73 et 69. En revanche, Haïti, le Nicaragua et le Venezuela sont les moins performants. Leurs scores respectifs sont de 17, 17 et 13 sur l’indice de perception de la corruption.

    En Haïti, le manque de responsabilité et d’impartialité parmi les autorités d’enquête et de poursuite et les juges mine la confiance du public dans le système judiciaire, décourageant les rapports et perpétuant la perception de corruption et de manque de fiabilité au sein de l’institution.

    Selon une publication en 2002 dans le Journal of Business Ethics, les pays et territoires qui ont un faible classement IPC ont également ce que les auteurs de l’étude ont appelé une surabondance de réglementation et un marché noir florissant. Les pays ou territoires ayant un produit intérieur brut réel par habitant élevé avaient également un classement IPC élevé.

    De plus, dans les États défaillants, la corruption est faite souvent sur une échelle exceptionnellement destructrice. Dans de telles situations, les élites dirigeantes corrompues investissent surtout leurs gains à l’étranger, rendant l’échec économique de leur état beaucoup plus sévère.

    En tête de l’indice de perception de la corruption se trouvent le Danemark, la Finlande et la Nouvelle-Zélande, avec respectivement 90, 87 et 85 sur 100, suivis de près par la Norvège (84), Singapour (83), ainsi que la Suède et la Suisse (82 chacune). Au bas du classement, la Somalie est identifiée comme le pays le plus corrompu, avec un score de 11 sur l’IPC, suivie du Venezuela et de la Syrie, chacun avec un score de 13.